Si l’on devait représenter graphiquement la répartition des compétences entre les différentes administrations catalanes dans le domaine de la lecture publique, on pourrait utiliser une pyramide.
Solide et imposant comme une pyramide
Tout en haut, les communes, qui ont l’obligation de construire et d’entretenir une bibliothèque sur leur territoire, dès qu’elles dépassent 3 000 habitants. C’est donc une première différence fondamentale avec la situation française puisque nous ne disposons pas de cette loi très complète sur laquelle nous appuyer. La loi catalane, qui date de 1993, définit précisément le rôle de chaque administration pour le développement des bibliothèques.
Donc, tout en haut de la pyramide, les communes. Puis viennent les services régionaux des la Deputaciones – il y au total 4 Deputaciones, celle de Barcelona, Lérida, Girona, Tarragona – et les services régionaux de la Généralité de Catalogne. Enfin, tout en bas, l’on trouve les services nationaux de la Généralité. Cette organisation fonctionne sur le mode de la subsidiarité : si un échelon ne peut assumer ses missions, l’échelon suivant se substitue à lui.
De l’utilité de la centralisation des achats et du catalogage
Une des forces de ce système de lecture publique réside dans la centralisation des achats et la centralisation et/ou l’externalisation du catalogage. Si les communes achètent des documents, cela ne représente qu’une petite partie des achats. Le restant provient des achats des Deputaciones. Comme en France, la plupart des acquisitions sont réalisées via des marchés publics – concursos –, mais à l’inverse de la grande majorité des marchés publics d’achats de livres des bibliothèques de lecture publique française, les Catalans intègrent la demande de livrer des documents catalogués et équipés…Autrement dit, la grande majorité des fonds achetés par les bibliothèques ou les Deputaciones pour les bibliothèques sont déjà catalogués et équipés lorsqu’ils arrivent dans les bibliothèques. Les bibliothécaires n’ont plus qu’à les placer sur les étagères ou à les présenter en tant que nouveautés.
Ces cris d’orfraies cesseront bien un jour…
J’entends déjà nos amis bibliothécaires pousser de hauts cris. Quoi, plus de catalogage ? Plus de traitement intellectuel interne ? Plus de discussions infinies sur la façon de remplir le 215, sur les listes d’autorité ? OUI, et C’EST TANT MIEUX. Si les bibliothécaires catalans participent à la sélection des documents, ils sont majoritairement déchargés du catalogage. Les conséquences de cette organisation sont faciles à deviner : des horaires d’ouverture qui font mourir de honte un bibliothécaire français. Prenons par exemple la bibliothèque Can Fabra, située dans le quartier San Andreu à Barcelone. Elle ouvre tous les jours jusqu'à 21h, mais aussi le dimanche après-midi, soit 66 heures d’ouverture par semaine…et devinez combien il y a de bibliothécaires pour assurer ce service public : 15, pas un de plus. Mieux, elle propose, comme toutes les bibliothèques de district de Barcelone – je reviendrai, en détail, dans un prochain billet sur ce réseau particulier – une salle d’étude nocturne toute l’année jusqu’à 1h du matin…je pourrais multiplier les exemples. Je terminerai par une photographie et une citation du directeur de la bibliothèque Agustí Centelles, dans le quartier de l’Eixample de Barcelone, nouvellement ouverte, qui me présentait la salle de travail interne, entendez la salle où s’effectue le catalogage : « Comme tu vois, cette pièce est vide ; c’est normal, n’est-ce pas, on est d’abord là pour le public, non ? »…
Jérôme Triaud